Nomadiser c’est se rendre disponible à tous, aux proches mais surtout aux inconnus.
C’est aussi y oublier de plus en plus son moi, l’ennemi véritable mais hélas encore – et pour combien de temps – le support de la création.
Pierre Guyotat, Coma
Pour les présentes œuvres, il y a le mur apparemment ferme de l’être. Solide et friable, muraille musculaire. Il y a des boitiers dont la transparence, bloc cristallin à la limpidité fallacieuse, s’exposent au regard comme la conscience épurée, évidée par la raison. Il y a des marques que l’imaginaire macule. Il y a donc des supports, des surfaces, les uns lisses, les autres striés, troués, des plans où s’épanchent des traits de mémoire, des fragments sécables ouverts au bohémianisme de la sensation dont parle Baudelaire, que l’artiste (AG) a mis en scène.
Ici, il y a : la mémoire immémorielle des murs de la Galerie auxquels des expériences hétérogènes se sont accrochées, qu’elles ont transformés, décorés, fait vivre. Il y a, qui s’imprime à cela, des objets partiels, rendus à leur ironie première, puisqu’ils ont pour tâche de maintenir, sous forme numérique, une mémoire qui défaille, sur des disques (CD/DVD) immaculés réfléchissant leur nudité solaire – des cartels de mémoire écartelée par le temps, traces de quadrichromie venues de photographies prises sur le vif d’un art en mouvement, en couleur ou noir et blanc, de croquis, de dessins, costumes, scénographies, de programmes, d’affiches, de détails émergeant de cartons, de malles, de remises.
Il y a la longue mémoire et le profond oubli des motifs qui présidèrent aux spectacles (opéras, expériences muséographiques, formes hybrides et métissées entre le ballet et le théâtre, happenings…), eux-mêmes portés par des lieux (Athènes, Londres, Paris, Madrid, New-York, Dubaï…) et des corps dont l’empreinte physique essaime encore dans les costumes qu’ils ont portés, présence absentée de leur passage.
(AG) délaisse les lieux de mémoire vive des rétrospectives, que son œuvre a connus (Opéra Garnier/BnF, Musée des Arts et Métiers, château de Chambord…), partant pour un voyage nomade dans l’intermittence de la mémoire, cherchant dans la boutique obscure des souvenirs, des journaux, des panières, des bibliothèques, des tessons de vie, des bris de bruits, des éclats d’instantanés de spectacles vivants s’étageant depuis plus de quarante années (depuis 1972) – eux-mêmes ayant connu selon (AG) l’heureuse errance, le pur nomadisme dans les genres, les formes, les références, les styles multiples.
De ceci, il reste, disloquées, rapprochées et soudées, mosaïques ébréchées et fresques recomposées, des œuvres recomposables à l’infini par celui qui chercherait à introduire et construire sa propre mémoire dans ce torrent mobile, aléatoire, du souvenir.
Ici : des dispositifs composites rassemblés en quadrillages, quadrilatères, des fragments mémoriels d’objets, de matières et de textures disparus mais revenant, parcellaires mais plus intenses, comme ceux des objets que la vie ancienne exila mais que le temps fait revenir, plus riches, plus présents encore, frêlement éternisés par la sédimentation de l’expérience qui traverse la perte des objets qu’on a eu, pour donner à voir la valeur actuelle de ce qu’ils ont été hier, établissant un pont entre les temps du temps.
Il y a – ici et maintenant (AG) – mille fragments déployés, qui deviennent maintenant et ici le point de départ d’une nouvelle migration vers la vie picturale.
Pour (AG) nomade — Vincent Vivès (V.V.)
(AG) : Actuelle Génération /Angoisse Générique /Acteur Genré /Artiste Griffonnant / Attention Généreuse /Action Générale / Aspect de la Germination / Arrêt devant le Gouffre / A Gauche / Art en Germe/ Admirable Geste / – Alain Germain…
Matériel pour les Fragments de mémoire (AG)
La présente exposition puise son inspiration dans les archives (programmes, affiches, photographies, peintures, dessins) qui témoignent des créations d’Alain Germain, et deviennent le matériel remémoré, revisité, éclaté, broyé, disséminé jusqu’à l’abstraction en mille fragments où affleurent :
– La Vie aménagée (Archives nationales, Paris)
– Le Tour du monde en 80 langues (Théâtre du Rond-Point, Paris)
– Mozart Requiem (Opéra comique, Paris)
– La Veuve joyeuse (Esplanade/Opéra, Saint-Etienne)
– Les Origines de l’homme (Halle Saint-Pierre, Paris)
– Dracoula (Théâtre de Paris/Festival estival)
– Les Savants et la Révolution (Cité des Sciences de l’Industrie, Paris)
– Le Contre-mode d’emploi (Carreau du Temple, Paris)
– Iphigénie en Tauride (Festival d’Athènes, Royal Opera House de Covent Garden, Londres)
– L’Autre Mozart (Washington Square Theater/N.Y.U., New-York)
– L’Incantation de Mersebourg (Musée d’art moderne de la ville de Paris)
– Le Bourgeois gentilhomme (Royal opera House of Covent Garden, château de Chambord)
– Les Arts et Métiers en spectacle (Musée national des Arts et Métiers)